♀ - NOCES BARBARES - ♂ -À une muse
♀ - NOCES
BARBARES - ♂
-À une muse nocturne-
{ Coiffe
(de mariée : Tsunokakushi) Tsunokakushi signifie littéralement :
cacher (kakushi) les cornes (tsuno). Au Japon, lon pense que les femmes sont
sujettes à être jalouses et dans ces cas-là des cornes leur poussent sur le
front. Cette coiffe de mariage est une sorte de bandeau blanc qui doit empêcher
la croissance des cornes de jalousie. _Dictionnaire des symboles_ }
« Je
taime » avait-elle dit dans un murmure. Éphémère.
Noriko
avait vingt ans, son amant dix de plus, et ils oubliaient ce détail dans des
dédales de luxure. Sa chair laiteuse sur son
teint hâlé, la pénombre de la chambre
mêlant d'obscur ces deux corps ; un lit dernier refuge de sa pudeur, elle sabandonnait. Sétait
abandonnée.
Elle avait
le regard qui pétillait, et pourtant il fuyait au jeu rieur des yeux de son
compagnon. Elle essayait de distinguer les tréfonds de son âme dans le bleu de
ses yeux, voilé de nuit, dans des sourcils broussailleux et des rides
esquissées. Sa main cherchait une accroche sur ce lit, un soupçon de réalité a
percevoir : le reste était comme un rêve. Un de ces rêves mi-éveillé,
mi-érotique qui pointe lorsque le sommeil sévanouit, tout doucement.
Lentement,
mais avec fermeté, il lui caressa un sein, sattarda sur le bouton qui se
gonflait et de ses doigts agiles contribua à faire jaillir en elle une seconde
vague.
Il chercha
des yeux à comprendre ce quelle désirait, ça elle lavait clairement discerné,
puis son visage se tendit vers elle. Souffle tiède sur peau blanche perlée. Nez
qui se caressent, lèvres entrouvertes ; émail qui se rencontre quand les
langues senlacent.
Ils avaient
déjà fait lamour une fois, une fois rapide, montée de désir que lon ne peut
freiner. Qui ne peut traîner.
Mais là
quand ils allaient recommencer, et elle savait quils avaient déjà franchi la
limite, cela serait long, tiède, moite, bon, suave, amer, doux. Un instant
déternité.
Prélude à
la mort.
Cétait
vrai, elle laimait. Irrémédiablement, sans vraiment le connaître, juste de lavoir
rencontré, leur corps entrecroisés. Si la perle de lorgasme devait rouler,
elle savait, ce soir, quelle ne pourrait plus faire marche arrière.
Elle
laimait, et laimerait.
La première
fois, il avait joui, mais pas elle. Elle avait quand même senti une chaleur
monter, devenir tourbillon des sens, couleurs et senteurs qui saffolent.
Trop tard
maintenant, il venait dinitier le moment. Elle devrait le stopper, mais elle
nen eut pas le courage.
Sa langue
saventurait plus bas dans ses chairs, ses mains toujours sur sa poitrine
gonflée.
Le souffle
tiède descendait, dessinait son cou, la vallée de ses seins et les lignes de
son ventre. Ils échangèrent un regard, lui de ses yeux qui souriaient, elle
énigmatique, et bouche en avant il plongea dans ses mystères.
Noriko
projeta sa tête en arrière, hoquet de surprise teintée de plaisir. Avec ardeur
il découvrait de ses dents et de ses lèvres voraces le temple de la déesse.
Là, oui,
parfait
Le moment déternité, où le suc de jouissance ruisselait ; et lui
de le recueillir comme les mystiques senivrent de Soma, et recevoir
lillumination
Mais
lillumination était à elle. À Elle !
« A
moi, à moi » criait un voix dans sa tête, « à moi, je chavire, je
tombe. A moi, je ne veux pas, jai peur de ça
» Elle ne voulait pas
laimer, mais il était trop tard.
Elle ne
voulait pas laimer car elle ne voulait pas le perdre.
Noriko,
encadrant le visage de son amant avec ses mains, le détacha de la source de son
plaisir. Elle se pencha pour lui baiser les lèvres, goûter à leur deux saveurs
mêlées et aperçut son sexe bandé.
« Je
ne veux pas te perdre » lui murmura telle à loreille, sa main droite
couvrait le sceptre de chair. Elle le caressait de sa base à son sommet en
va-et-vients incessants, pour se fondre finalement en lui, langue joueuse.
Son
compagnon émit un râle, une longue plainte qui devait signifier « oui, tu
me fais découvrir un rivage dextase car ta bouche devient le miroir de toute
mon existence, en ce moment précis »
Ou du
moins, cest ce quelle voulait décoder, alors que le sang palpitait sous ses
caresses.
Elle se
retira vivement.
Surpris, il
la toisa et ils restèrent un instant ainsi.
« Je
ne veux pas te perdre » dit-elle avant de laisser à nouveau sa langue
couler sur lui, et de sa bouche devenir le calice de lextase. Il souriait, il
devait sourire
Plus
maintenant.
Les
sanglots accompagnaient un râle dune autre nature, et le sang qui se mêlait à
la semence jaillie. Naurait-il pas eu le souffle coupé, son souffle de vie et
de mort annoncée, quil aurait tenté de se défaire delle. Mais tout avait été
trop vite.
Cest elle
qui prit linitiative de se détacher, avec un bruit sinistre : celui de la
chair qui se déchire. Il la regarda comme elle était, un monstre maculé de
sang, dégoulinant des deux cornes ornant son front. Il nessaya même pas de
comprendre comment Noriko avait pu devenir « ça » ; en un
instant linstrument de son plaisir, linstant daprès celui de son trépas
« Pourquoi
moi ? » réussit-il à articuler. Puis un vent glacé lemporta.
Elle
contempla léternité figée dans son regard bleu éteint, se coucha près de lui,
ses cornes doucement se rétractant. Et doucement elle caressa le corps,
laissant ses doigts sattarder sur les deux trous béants, doù le sang avait
cessé de sécouler.
Posant un
baiser écarlate sur sa joue blême, elle lui répéta :
« Je
ne veux pas te perdre »
*M* _ Ψ